Christian Hery, histoire d’une maquette hors norme !
« Tout était déjà prêt dans ma tête, confie Christian Héry, le support bois avait déjà été pensé et travaillé de manière bien aboutie ».
Photo: Yannick Le Boulicaut
Il avait réfléchi à son chef d’œuvre au sortir de sa formation, initiée par un CAP-BP dans le Loir-et-Cher et poursuivi en Anjou, par un perfectionnement à la Fédération compagnonnique et à l’ESC. Il se souvient :
En 72-73, Marcel Sangué venait tous les jours à l’ESC. Il s’arrêtait systématiquement pour discuter technique avec nous. À l’époque, nous étions 30-35 par promo.
Auparavant, notre ardoisier avait fréquenté les entreprises Delestre (Blois) et Martin (Tours), puis divers artisans sur Angers. En 1976, il se met à son compte et emploie jusqu’à 4 salariés, jusqu’en 2015, l’année de la retraite. Après quelques mois de repos, ça y est, l’heure était venue, il fallait s’y remettre. Christian ressort ce projet laissé inachevé, quarante ans plus tôt. Il rassemble ses idées, les vieux dessins et quelques outils et aménage un atelier au sous-sol de sa maison, dont la fenêtre donne sur un jardin paisible et arborée de Montreuil-Juigné.
Le chantier démarre en 2016 et s’achève après 4 années d’effort et de sacrifice. Tout est fait par ses soins, à l’exception du socle en bois massif et de quelques découpes de précision dans le bois utilisé pour la charpente à l’impérial. C’est un voisin, équipé de la bonne machine, qui a donné un coup de main. Le reste, plomb, cuivre, bois, tuffeau, zinc, mortier, et feuille d’or, est entièrement dû à son œuvre et sa patience.
Les heures, faut-il les compter, sont au nombre de 3000 ! Il détaille son calcul :
Disons, environ une journée de 10 h par semaine, multipliée par 52 semaines dans l’année… Depuis 4 ans… ça doit faire cela car il y a eu des soirées et des dimanches !
Photo: Yannick Le Boulicaut
Christian reconnaît en avoir parfois eu un peu marre, et même de temps en temps, avoir délaissé un peu sa belle, isolée et seule, à la cave, l’espace de quelques semaines. Mais il y est toujours revenu, s’y est toujours remis et a fini par, enfin, la terminer, cette sacrée maquette !
Et quelques ardoises plus tard…
J’ai appelé Bertrand Lanoë, que je connais depuis longtemps. Il me fallait de la fine-fine. C’est que, j’en avais tellement manipulé dans les palettes CUPA PIZARRAS, je savais qu’il me trouverait ça. Avec Bertrand, on est parti sur la Cupa 6 et c’était très bien.
Photo: Yannick Le Boulicaut
Plutôt ardue cette couverture à pureau décroissant : les plus petites ardoises mesurent moins d’un centimètre de large pour 25 mm de haut. Et à l’égout, les plus grandes ne dépassent pas 25 mm de large pour 60 mm dans leur longueur. Pour les tailler, il a raccourci son enclume et y a fait souder un arrêt, pour y poser le doigt en buter. L’homme de l’Art avoue :
S’il fallait chercher une difficulté, c’est peutêtre les fendis qui m’ont demandé le plus de travail.
Il est capable de dénombrer chaque ouvrage à la manière d’un horloger suisse :
517, pour la tourelle conique, 475 pour l’embase de la flèche tors, 555 pour l’avancée impériale…
Au total ? En additionnant chacune des difficultés techniques, cela donne un résultat approchant les 8000 ardoises !
Photo: Yannick Le Boulicaut
L’ouvrage ne représente pas un Monument en particulier. Elle regroupe autant de sources et d’inspiration que ce que le couvreur a pu rencontrer dans sa vie de travail, majoritairement consacrée à la restauration du patrimoine. Certaines volutes qui ornent les campaniles sont une libre interprétation de l’architecture barcelonnaise, où vit l’un des enfants de Christian.
Christian Héry imagine la suite :
Un américain m’a proposé beaucoup d’argent pour cette maquette, mais bon… ce n’est pas l’objectif. Je voudrais qu’elle voyage, qu’elle soit exposée dans les salons ou dans les forums métier, pour décider les jeunes à venir vers notre beau métier.