Histoire de l’ardoise d’Angers : histoire, grandeur et symbole (I)
La France est l’un des pays les plus importants et a la plus grande tradition dans l’histoire de l’ardoise pour toiture. Les premières carrières françaises d’ardoise pour toiture furent ouvertes vers le XIIe siècle dans le nord du pays, près de la frontière belge, à Fumay et Rimogne. Dans d’autres parties du territoire français, l’industrie de l’ardoise a démarré plus tard.
Dans l’ancien comté d’Anjou, les vieilles exploitations d’ardoise se situent à quelques kilomètres du centre de la capitale, Angers. Ces carrières ont commencé leur activité aux XIIIe et XIVe siècles. On distinguait deux zones de production principales en fonction de leur localisation par rapport à la ville d’Angers, la veine Nord et la veine Sud.
La paternité de l’industrie de l’ardoise a traditionnellement été attribuée à l’Evêque d’Angers, Licinius (plus tard saint patron des ardoisiers sous le nom de Saint-Lézin d’Angers) qui vers l’an 592 aurait encouragé l’utilisation de l’ardoise comme matériau de couverture. Cependant, cette légende est réfutée par F. Soulez-Larivière dans son livre Les Ardoisières d’Angers (1979).
Selon cet auteur, c’est vers 1820 que l’industrie de l’ardoise a éprouvé le besoin d’avoir son propre patron, comme c’était déjà le cas pour d’autres industries minières, on attribua donc la découverte de l’utilité de l’ardoise à Licinius qui avait déjà été béatifié. Quel que soit le crédit accordé à cette anecdote, quand quelqu’un du nom de Larivière dit quelque chose au sujet de l’ardoise, il faut en tenir compte.
A partir du XVIe siècle, la plupart des châteaux sur les bords de la Loire possède des toitures en ardoise élaborés. L’importance qu’avait gagné l’ardoise à Angers apparaît dans la célèbre gravure de 1561 de l’artiste flamand Joris Hoefnagel.
Cet artiste a parcouru plusieurs pays, en dessinant les lieux les plus représentatifs des endroits où il passait. Le fait qu’il représente le travail d’exfoliation de l’ardoise nous donne une idée de l’importance que revêtait l’industrie de l’ardoise à cette époque.
Au XVIIe siècle, la reine consort Marie de Médicis visita les carrières de la région qui descendaient jusqu’à plus de cinquante mètres de profondeur. Le recours à l’ardoise s’étend également aux bâtiments à caractère militaire comme les forteresses de La Rochelle et Brouage.
Au XVIIIe siècle, quelques années avant la Révolution française, l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert et le botaniste et graveur Fougeroux de Bondaroy publient des monographies illustrant divers aspects de l’exploitation de l’ardoise dans la région d’Angers. Dans le même temps, l’Académie des Sciences commence à collecter des données sur cette industrie.
En 1765, on estime qu’environ 800 professionnels y travaillent, avec une production approximative de 25 millions de pièces d’ardoise par an. L’ardoise est devenue une pierre d’un grand prestige.
On peut voir grâce aux gravures de l’époque combien le recours aux animaux de bât était généralisé ainsi que l’emploi des enfants. Les conditions de vie des mineurs étaient difficiles, rares étaient ceux qui dépassaient cinquante ans. L’arrivée de la Révolution française n’améliora pas les conditions de vie générales qui demeurèrent pénibles.
Il y eut plusieurs tentatives de réorganisation de la location des mines qui étaient aux mains de quelques propriétaires mais il n’y eut aucune amélioration en ce sens que ce soit sous la République ou sous l’Empire.
Les règles du jeu changent en 1827 avec la création de la Commission des Ardoisières d’Angers, un syndicat de producteurs et travailleurs de l’ardoise qui établit pour la première fois des règles du travail et commerciales qui améliorent notablement les conditions de vie des travailleurs et permettent au secteur de négocier des tarifs généraux. Jusqu’alors, la production et la vente d’ardoise s’étaient développées de manière désordonnée, les intermédiaires imposaient leurs prix et avaient par conséquent le contrôle du secteur.
La Commission devient ainsi le principal organe de direction de l’industrie de l’ardoise à Angers. Dans le même temps, la Révolution industrielle initiée au Royaume-Uni arrive en France. Les progrès liés aux machines et au transport permettent de considérablement augmenter la production et de poursuivre l’exploitation souterraine.
Cela conduit à une nouvelle exploitation de la veine Nord, déjà épuisée en surface, et à une augmentation de la production de la veine Sud. Cette production atteint rapidement 150 millions de pièces, ce qui représente quelques 60 000 tonnes, en employant jusqu’à 2200 travailleurs.
Cependant, durant la période comprise entre 1841 et 1848, diverses crises sociales et économiques éclatent en France qui s’achèvent par la proclamation de la Deuxième République en 1848. Cette instabilité politique et économique affecte profondément le secteur, ce qui conduit les producteurs à faire à nouveau des affaires pour leur compte sans tenir compte des décisions de la Commission qui est pratiquement dissoute. Cela ne s’est pas produit grâce à René Montrieux (1806-1883), homme d’affaires et entrepreneur qui refonde la Commission en 1851.
La deuxième moitié du siècle XIX est une période de prospérité pour les ardoisières d’Angers. Dans notre prochain article, nous expliquons le déclin de l’industrie et le démantèlement progressif des carrières.
Un peu de bibliographie
- Art de tirer des carrières la pierre d’ardoise, de la fendre et de la tailler. Fougeroux de Bondaroy, 1761.
- L’Encyclopédie. [43], Arts des mines. Diderot et d’Alembert.