Historie

L’histoire des Compagnons Couvreurs

Histoire des Compagnons Couvreurs
Miniature, La Fondation des douze abbayes, Girart de Roussillon.

L’histoire des Compagnons Couvreurs est étroitement liée de celle, plus générale, du compagnonnage du devoir. Peu de document fixent précisément son origine, bien que la légende remonte à la construction du Temple de Salomon.

Parmi les premières sources écrites, datées du XIVème, un procès-verbal établi à Dijon en 1540, rapporte que deux Compagnons cordonnier qui ont été hébergés chez une femme nommée «Mère». Pendant longtemps, la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire, ce qui explique le manque de documents écrits : la transmission orale représentait alors la seule mémoire entre gens de métier.

On peut également supposer que bon nombre de traces aient disparu pendant la Révolution. C’est seulement au début XIXème siècle que nous retrouvons quelques archives permettant d’étayer cette rétrospective.

Les Compagnons passants couvreurs du devoir avant 1940

débuts du Compagnonnage des couvreurs
Gravure anonyme, Bibliothèque nationale.

On imagine que le Compagnonnage des couvreurs naît bien après leur métier car, depuis longtemps, les toits se couvrent d’ardoises et de tuiles. Au début du XIV e siècle les couvreurs étaient organisés en une corporation distincte, mais la plupart des historiens situent en 1703 l’entrée des couvreurs dans le compagnonnage, sous la forme de tutelle. Avant 1789 il existait déjà des armoiries, comme par exemple celles de la corporation des couvreurs d’Angers et de Saumur.

Les travaux de François Husson[1] fournissent de nombreuses précisions sur les débuts du Compagnonnage des couvreurs. On apprend ainsi qu’entre 1655 et 1667, à Paris, les Compagnons couvreurs s’étaient organisés en une confrérie particulière, en s’appuyant sur l’autorité d’une bulle du pape Alexandre VII.

Les maîtres couvreurs, qui étaient exclus de cette confrérie, placée sous le même patronage que la leur, la Sainte Trinité, réussirent à la faire supprimer par un arrêt du Parlement rendu le 31 mars 1692. Ils parvinrent également à s’emparer des objets de culte liés à cette confrérie, notamment quatre chanceliers d’argent ornés d’un écusson portant un compas en partie recouvert d’un marteau.

Cette confrérie était installée dans l’église Saint-Denis-de-la-Chartre, au bout du pont Notre-Dame. On ne sait si elle est liée au Compagnonnage du Devoir.

Compagnons passants couvreurs du devoir
Gravure de Bertaux, fin 18ème.

Une autonomie complète du métier de couvreur

Le même auteur cite une ordonnance royale édictée à Paris en 1704 et inspirée d’une sentence de police de 1703, qui notifie entre autres la décision suivante :

[…] défendons à tous maçons, charpentiers et autres de faire aucun marché général dans lequel la couverture soit comprise, ni d’entreprendre en aucune manière sur le dit métier de couvreur, à peine 500 livres d’amende[…] Ordonnons à tous Architectes Jurés Bourgeois Experts et autres, qui font devis et procès-verbaux concernant les Bâtiments, de distinguer les Ouvrages de couverture d’avec ceux de maçonnerie, même de marquer la quantité des ouvrages de couverture qu’il conviendra faire, et d’en marquer le prix, à peine de 200 livres d’amende.

Compagnons couvreurs ardoise 1759
Photo d’ardoise gravée, Centre de recherche sur les Monuments historiques.

Nous observons là une autonomie complète du métier de couvreur car, jusqu’alors, les maçons et les charpentiers se chargeaient aussi des travaux de couverture. Cette décision a pu avoir une influence sur le début du Compagnonnage des couvreurs en 1703.

C’est aux Compagnons charpentiers de Rite Soubise que les couvreurs doivent leur présence au sein des Compagnons du Devoir. Ce rapprochement semble naturel car les deux métiers se complètent, la toiture constituant la suite logique de la charpente.

Il fallut cependant un demi-siècle pour que les compagnons des autres corps de métier reconnaissent les Compagnons couvreurs, en 1759. Une chronologie générale des corps de métier du Compagnonnage du Devoir établie en 1807 situe les Compagnons couvreurs au 25e rang, les ferblantiers au 21e et les plâtriers au 26e.

Le corps de métier des couvreurs admet en 1911 les plombiers. En effet le couvreur, essentiellement ardoisier ou tuilier jusqu’au XIX e siècle, doit évoluer avec l’arrivée des métaux en feuilles, mis en place dans de nombreuses régions par le plombier-zingueur.

En 1911 ils forment donc le corps de métier des Compagnons passants couvreur-plombiers du Devoir.

Le congrès

Pour organiser le Tour de France, faire circuler les nouvelles, échanger sur les différentes activités, proposer et adopter des décisions engageant l’avenir, les Compagnons qui représentaient chaque ville se retrouvaient lors de congrès corporatifs. La ville organisatrice prenait l’initiative d’envoyer une « lettre de roule » tenant lieu d’invitation.

Lors de ces journées, chaque Cayenne mettait à jour ses livres de réception, de décision, les règlements, les effectifs et les livres des caisses de secours. Les deux premiers congrès qui suivirent la Révolution eurent lieu à Blois en 1809 et en 1813

Sans tour de France, pas de Compagnonnage

Les couvreurs font honneur à la tradition. Les premières villes à recevoir le passage des Compagnons couvreurs sont celles qui suivent les bords de Loire.

Rappelons que les Compagnons, d’abord ardoisiers, expriment leur compétence sur les belles toitures des châteaux et demeures de cette région. Aucun document ne parle d’un sens du voyage. Seule l’offre de travail et sa qualité déterminaient le passage dans une ville l’autre. Jusqu’au développement du chemin de fer, le Tour de France s’effectuait à pied. Les étapes d’une ville à l’autre s’entrecoupaient quelquefois de haltes pendant lesquelles le Compagnon couvreur réalisait des travaux qui lui permettaient de financer la suite de son voyage.

couvreurs planches
Photos P. Géroudet, Centre d ’i nformation du cuivre, Entreprise Nion.

Un article du règlement de 1858 affecte à l’Itinérant une somme d’argent qui lui permet d’effectuer le voyage : c’est le « roule » du départ, qui est attribué selon certains critères.

La durée du voyage et le nombre des villes traversées restent variables suivant les individus mais le voyage dure en général cinq ou six ans, parfois dix.

Citons en exemple le Tour de France de Parisien La Sagesse: reçu à Paris en 1837, il y revient en 1843 après onze étapes en six ans, dont quatre ans à Dijon et dix-sept mois à Paris : quelle rapidité au regard des moyens de communication de l’époque!

Au lendemain de la première guerre mondiale, la baisse d’intérêt pour le voyage devient préoccupante. Elle est sans doute due au manque d’Itinérants potentiels tout autant qu’aux besoins locaux liés la reconstruction qui primaient sur le voyage. Malgré tout, certains Compagnons cherchent à donner l’exemple en voyageant. Dans de nombreux écrits Auguste Bonvous regrette l’abandon de cette tradition.

Désabusé par le tournant que prend le Compagnonnage, il écrit en 1933 dans Le Ralliement :

Créer une Cayenne serait bien si à côté d’elle le Devoir des Compagnons qui voyagent leur imposait le stage obligatoire afin de remonter les Cayennes dans lesquelles il faut voir le principe de la solidarité et non une autocratie abusive.

Malgré l’avis de ce Compagnons dévoué au métier et au Tour de France cette situation perdure jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, mais la persévérance de quelques Compagnons suffit à maintenir la tradition….

Extrait de l’Encyclopédie des Métiers – L’art du couvreur.
Article réalisé par l’Institut Supérieur de la Couverture.

[1] François Husson, Artisans français ; les Couvreurs et Plombiers, Marchal et Billard éditeurs, Paris, 1903